Fallout
3 est la suite de Fallout (1997) et Fallout 2 (1998), deux jeux de rôle
célèbres sur PC, se déroulant dans un univers post-apocalyptique
à la Mad Max. Black Isle était en charge des deux premiers épisodes,
mais suite à la fermeture du studio en fin 2003, le projet Fallout 3 était
resté dans les tiroirs jusqu'à ce que Bethesda Softworks (développeur
d'Oblivion) signe,
en juillet 2004, un accord de développement avec Interplay, détenteur
de la licence. Après la sortie d'un Fallout Tactics en 2001 développé
par Micro Forté qui n'a pas convaincu tout le monde, et du hack'n slash
raté Fallout : Brotherhood of Steel sur Xbox One en 2004, les fans de la
première heure étaient partagés entre l'envie de retrouver
enfin leur série fétiche et la crainte de voir le résultat
d'un Fallout 3 réalisé par une autre équipe que Black Isle.
Le
développement de Fallout 3 par Black Isle avait débuté en
tant que projet Van Buren (voir cette
vidéo de gameplay), mais ne s'est jamais achevé à
cause de la fermeture du studio. Un an plus tard, Bethesda est reparti de zéro
pour créer son propre Fallout 3, qui n'est donc pas la continuation du
projet initié par Black Isle. Malgré ce choix, Bethesda a su préserver
cet univers particulier propre à la série, tout en y ajoutant sa
touche personnelle. L'univers de Fallout est un monde parallèle qui partage
le même passé que le nôtre jusqu'aux années de Guerre
Froide. Dans ce monde où les Etats-Unis ont annexé le Canada, les
ordinateurs et d'autres technologies ont peu évolué, alors que dans
d'autres domaines les progrès ont été fulgurants (robotique,
armes laser, armures assistées) jusqu'en 2077, année de la guerre
atomique globale qui a presque tout rasé sur son passage. Le monde est
toujours ravagé lorsque débute l'aventure 200 ans plus tard, en
2277, soit 116 ans après les événements du premier Fallout
et 36 ans après ceux du second, qui se déroulaient tous deux sur
la côte Ouest des Etats-Unis.
C'est dans les
environs de Washington DC cette fois, dans le confort et la sécurité
de l'abri anti-atomique 101, que l'on commence l'aventure. Depuis l'enfance jusqu'à
l'âge adulte, le jeu nous y fait vivre de façon très originale
plusieurs étapes clés qui font office d'introduction scénaristique,
de tutoriel et de création de personnage. Ainsi à dix ans, on reçoit
notre Pip Boy 3000 qui est l'interface que porte tout habitant de l'abri à
son poignet. Un accessoire visuellement très réussi qui permet de
consulter les données de son personnage, les objets portés (classés
par catégories), les radiations absorbées, de voir les quêtes
en cours ou encore la carte (un peu brouillonne hélas). D'autres étapes
de l'enfance nous donnent la possibilité de choisir le sexe et l'apparence
de notre avatar, ainsi que les points à répartir dans le système
S.P.E.C.I.A.L., soit dans les caractéristiques Force (Strength), Perception,
Endurance, Charisme, Intelligence, Agilité et Chance (Luck). A 19 ans,
on découvre avec stupeur que notre paternel à quitté l'abri
Vault-Tec sans prévenir, ce qui n'est pas sans conséquences sur
la tranquillité de cet endroit, peu habitué aux contacts avec l'extérieur.
Forcé par le destin, on quitte donc le nid douillet de notre enfance, en
quête de notre père, de réponses et d'aventures.
Outre ces caractéristiques de base, dont l'utilité
est étonnamment bien moins importante que par le passé, on retrouve
les compétences que l'on peut améliorer à chaque passage
de niveau. Certaines ont intelligemment été regroupées depuis
les premiers Fallout (premiers secours et docteur ont été fusionnés
en médecine, esquive et vol en discrétion), d'autres abandonnées
car plus forcément utiles avec le nouveau système de jeu (vie à
l'extérieur et jeu). Celles restantes en plus sont : troc, armes légères,
lourdes, à énergie, de corps à corps, mains nues, explosifs,
crochetage, réparation, sciences et discours. Treize compétences
au total donc qui permettent de varier les approches de situation et la manière
dont on peut résoudre les quêtes. On note la disparition regrettable
des traits qui donnaient à la fois un avantage et un désavantage,
mais ceux-ci sont en partie compensés par les aptitudes que l'on gagne
désormais à chaque niveau, et donnant divers bonus (par exemple
amélioration de certaines compétences, des résistances aux
radiations et d'autres avantages particuliers). Les quêtes sont moins nombreuses
que dans Oblivion, mais sont généralement plus longues et intéressantes.
La plupart d'entre elles peuvent être résolues différemment,
que ce soit en accomplissant une bonne action augmentant ainsi le karma, ou une
mauvaise, de façon diplomatique en privilégiant le discours, de
façon guerrière, ou encore furtivement sans se faire remarquer et
en crochetant une porte ou en piratant certains ordinateurs pour désactiver
des tourelles (via des mini-jeux bien réussis). Si la quête principale
est relativement courte (comptez une bonne quinzaine d'heures), toutes les autres
quêtes et l'exploration prolongent énormément la durée
de vie du titre (plus d'une centaine d'heures sont nécessaires pour tout
découvrir), et la rejouabilité est de plus importante. Dommage cependant
qu'une fois la quête principale achevée, on ne puisse plus poursuivre
son aventure, même si cela s'explique par le scénario.
Le monde à explorer est vaste, et même
si les énormes dégâts laissés par la guerre sont visibles
partout et ont rendu ces terres désolées, les environnements ne
sont pas déserts et parviennent à se montrer relativement variés
en extérieur, avec des zones rocailleuses, d'autres composées de
bâtiments en ruines, ou encore de petits lacs et bras de fleuve fortement
irradiés. Il y a peu de villes de grande taille à explorer, ce qui
est dommage, mais celles présentes ont toutes une architecture bien particulière
et recherchée. De nombreux souterrains existent, on trouve des abris, des
fortifications, quelques grottes, des couloirs de métro. Ces derniers sont
présents en (trop) grand nombre, surtout dans le coeur de la ville de DC,
où de façon un peu artificielle on est obligé de passer par
ces métros pour rejoindre certains lieux éloignés. Malgré
cela, la liberté de mouvements est grande sur tout le reste de la très
grande carte du jeu, ce qui est vraiment appréciable. Plus d'une centaine
de lieux sont à découvrir, ce qui se fait par la marche dans un
premier temps. Comme dans Oblivion,
jeu avec lequel il partage beaucoup de points communs (Bethesda oblige), il est
possible une fois un endroit visité, d'y revenir grâce à un
"voyage rapide" en indiquant sa destination depuis la carte du Pip-Boy.
Une bonne chose vu l'immensité des lieux. On retrouve également,
comme dans le précédent RPG cité, une boussole indiquant
les lieux intéressants à proximité ainsi que la direction
à emprunter pour continuer sa quête. L'exploration et la fouille
de conteneurs occupent souvent beaucoup de temps, notamment à cause du
fait que les armes et les armures doivent être réparées. En
disposant de plusieurs objets d'équipement similaires, on peut en effet
en utiliser un pour réparer l'autre, augmentant ainsi sa résistance,
et son efficacité (arme plus précise et qui fait plus de dégâts,
ou armure offrant plus de résistance); un système bien pensé
qui permet de réduire son encombrement lorsque l'on porte beaucoup d'objets
(dans le but de les échanger contre quelques capsules, la monnaie d'après-guerre)
et surtout qui renforce cet aspect de survie où tout objet ou presque peut
avoir son utilité, surtout au début de l'aventure.
On trouve de très nombreuses armures et armes
dans Fallout 3. Contrairement à plusieurs jeux du genre, on ne se contente
pas d'en n'utiliser qu'une seule (ou presque) très puissante. En effet,
les meilleures armes sont aussi les plus rares, et donc les plus difficiles à
réparer. Certaines armes, très efficaces de près, se montrent
imprécises de loin. Et en se limitant à une seule arme, on court
aussi le risque de se retrouver rapidement à court de munitions. Ces dernières
sont également variées et chaque type d'arme à droit à
son type de munitions bien précis. A noter que contrairement aux précédents
Fallout, on ne dispose plus de divers types de munitions pour un même même
calibre (balles à tête creuse, perforantes, etc.), mais ce n'est
pas vraiment gênant. D'autres armes spéciales et souvent très
originales peuvent également être construites sur un établi,
pour autant que l'on ait préalablement trouvé le plan et les composants
nécessaires. On peut ainsi créer par exemple un lance-briquettes,
une arme utilisant comme munitions tous les objets divers de notre équipement
(fourchettes, boîtes de conserve, ours en peluche, etc.). Les combats peuvent
se faire sous deux formes, soit en temps réel comme dans tout FPS, ou alors
avec le système SVAV (Système de Visée Assistée Vault-Tec),
ou encore en combinant les deux. Ce système s'inspire des combats des deux
premiers Fallout qui se déroulaient au tour par tour, adapté de
façon intelligente à un gameplay plus moderne. Avec le mode SVAV,
que l'on engage d'une simple pression de bouton, le jeu se met en pause, nous
permettant ainsi de viser tranquillement un ou plusieurs ennemis tout en ciblant
des zones spécifiques; le pourcentage donné à l'écran
indiquant les chances d'atteindre la zone en question. Plusieurs tirs successifs
peuvent être programmés à la suite, leur nombre dépendant
des points d'action (PA) restant à disposition et du type d'arme équipé.
On lance ensuite l'attaque, qui se déroule au ralenti et qui donne souvent
droit à des scènes spectaculaires avec décapitations ou démembrements
en prime. Après chaque utilisation du SVAV, il faut une dizaine de secondes
pour que la jauge de PA se recharge, temps que l'on utilise soit pour se mettre
à l'abri, soit à canarder en vue FPS classique. Le SVAV est bien
réussi et donne un net avantage dans les combats, car ils réduit
les dégâts que l'on reçoit durant son utilisation. Ce système
devrait donc convenir aussi à tous les joueurs n'ayant pas envie de se
retrouver devant des phases de FPS dans un RPG. Deux petits regrets à formuler
cependant. En vue FPS, la taille du viseur est vraiment trop petite et sa forme
est peu adaptée. En mode SVAV, il n'est pas toujours évident de
passer d'une cible à une autre et surtout d'une partie de corps à
une autre.
On retrouve dans Fallout 3 une bonne partie du bestiaire
habituel de la série, avec des animaux mutants tels que le radscorpion
géant, les vaches à deux têtes : les brahmines, les ghoules,
les super-mutants qui ont acquis ici une étrange coloration jaune, ou encore
les raiders ainsi que les deux principales factions humaines de cet univers. Si
certains PNJ se contentent de répéter inlassablement les deux ou
trois mêmes phrases, on peut converser de façon approfondie avec
bon nombre d'entre eux, grâce à un système, qui encore une
fois, et c'est presque gênant, est très proche de celui utilisé
dans Oblivion. La caméra zoome sur le portrait de l'interlocuteur et se
fige (qu'ils semblent loin les plans dynamiques de Mass
Effect), tous les autres personnages à l'écran s'immobilisent,
et l'on peut ensuite choisir sa ligne de dialogue (que l'on n'entend pas). Il
arrive parfois qu'un dialogue débute alors que l'on ne regarde pas directement
la personne, ce qui peut conduire à un échange verbal où
l'on parle vraiment à un mur. Certaines caractéristiques et compétences
peuvent avoir une influence sur les dialogues et donnent parfois des réponses
que l'on ne pourrait pas obtenir autrement. Les PNJ ont leur occupation et se
déplacent en fonction de leurs "envies et besoins". Certaines
réactions sont par contre parfois totalement aberrantes, comme cette villageoise
qui nous offre un cadeau en nous remerciant de notre bonté, puis est à
deux doigts de nous insulter si on tente d'engager la conversation ensuite. On
constate également quelques bugs, dont des personnages de ville qui disparaissent
totalement du jeu ou d'autres, comme les compagnons que l'on peut avoir, qui se
trouvent parfois bloqués par les décors. Rien qui n'empêche
de profiter de l'aventure cependant.
Coté réalisation, le moteur
d'Oblivion a pris quelques rides, et tout n'est pas aussi éblouissant que
cela ne l'était il y a deux ans et demi. L'ensemble reste correct, mais
vraiment sans plus. La distance d'affichage est très confortable, même
si d'inévitables pop-ups se remarquent. Les personnages sont correctement
modélisés, mais manquent d'expressions variées au niveau
du visage. Et c'est surtout leur animation qui laisse vraiment à désirer.
Certaines autres créatures manquent de détails, surtout au niveau
du visage comme les ghoules et les super-mutants. Une fois de plus, la vue externe
ne sert quasiment qu'à admirer son personnage, dommage. La partie audio
s'en tire mieux, avec des musiques d'ambiance réussies, des bruitages bien
adaptés (certains ont même été repris du premier Fallout
comme celui d'entrée dans le mode SVAV) et même des stations de radio
que l'on peut écouter grâce à notre Pip-Boy, nous permettant
d'écouter des musiques des années 60, voire plus anciennes, entrecoupées
de nouvelles relatant nos exploits. Hélas ces musiques radiophoniques sont
peu nombreuses, et deviennent répétitives à la longue. Les
dialogues sont intégralement en français (pas d'autres langues sur
le disque) et convaincants, même si on aurait aimé un peu plus de
variété dans le nombre d'acteurs engagés. Il arrive parfois
que quelques lignes de dialogues soient muettes, mais cela reste très rare.
Le
jeu existe également en version collector, présentée dans
une boîte de pic-nique métallique signée Vault-Tec, très
jolie, mais peu pratique en raison de la petite taille de sa poignée. Outre
le jeu et le manuel (dont le design reprend celui très réussi du
premier Fallout), la boîte contient également une figurine du Vault
Boy, la mascotte de la série, mesurant 12 cm de haut avec la tête
montée sur ressort, un livret d'une centaine de pages en couleurs d'illustrations
conceptuelles, ainsi qu'un DVD vidéo de making off et trailers,
d'une durée totale d'1h25 environ, en anglais avec sous-titres optionnels
en français. A noter que l'on retrouve dans le jeu lui-même deux
de ces accessoires : la boîte de pic-nique et la figurine, plutôt
amusant. Dommage cependant qu'il n'y ait pas de bouteille de Nuka-Cola incluse,
elle aurait aidé à faire passer la pilule des 20 € / 30 CHF
supplémentaires que coûte cette version collector.

Malgré
l'adaptation de certaines règles de jeu, chose inévitable lorsqu'un
titre reste en sommeil, même agité, pendant neuf ans et qu'il est
repris par un autre studio, Fallout 3 reste sur l'ensemble bien fidèle
à l'esprit de la série. On retrouve avec plaisir ce monde riche
et cohérent, teinté d'humour noir, de nombreux easter eggs et de
plusieurs références aux deux premiers épisodes. Pendant
ces quatre dernières années, Bethesda a su s'approprier cet univers
et, tout en restant respectueux, a su apporter son lot de nouveautés en
le faisant revivre. Aucun élément important du scénario n'entre
en contradiction avec les événements relatés dans les premiers
jeux. Un aspect cependant aurait mérité un meilleur équilibrage.
En effet, le jeu fait preuve d'une violence graphique particulièrement
gore, et même si cela correspond à l'esprit initial, et que c'est
même parfois assez drôle, on a l'impression que les développeurs
en ont rajouté une bonne couche, juste pour essayer de faire "cooool".
Cette surenchère est visible dans le jeu notamment avec la possibilité
de déclencher plusieurs bombes atomiques (alors que ce monde n'en peut
plus de supporter les conséquences des ravages nucléaires) ou encore
de lancer d'autres bombes atomiques de plus petite taille grâce à
une arme portative qui s'appelle le Fat Man (nom de la bombe
A larguée sur Nagasaki). Là, en plus du côté
aberrant, on fait plus que friser le mauvais goût. Et à côté
de tout cela, Fallout 3 fait preuve d'une étonnante retenue concernant
les dialogues relatifs à l'utilisation des drogues dans le jeu, et d'une
pudibonderie ridicule en matière sexuelle. Il faut croire que les décapitations,
les destructions nucléaires, l'esclavagisme et le cannibalisme ont été
jugés comme étant plus politiquement corrects par Bethesda que d'autres
sujets... Dommage.
Fallout 3 est un RPG très
réussi, fidèle à l'esprit des premiers Fallout et qui propose
un monde vaste, riche et cohérent. Malgré une réalisation
en demi-teinte, due en bonne partie à un moteur vieillissant et à
des animations très moyennes des personnages, on se sent vite immergé
dans l'aventure, grâce à des quêtes intéressantes, qui
peuvent être résolues de diverses manières, à des musiques
de qualité, et à de nombreux lieux à explorer, offrant ainsi
une durée de vie très conséquente. On regrette les similitudes
parfois trop nombreuses avec Oblivion au niveau du système de jeu, un côté
trop sage par moments déplacé, ainsi qu'une maniabilité perfectible
dans les phases de tir. Ces dernières restent cependant très agréables,
grâce au système SVAV bien pensé et à la grande variété
des armes rencontrées. Une grande réussite qui devrait plaire à
la grande majorité des fans de la première heure (mais pas
tous), et à tous ceux qui foulent pour la première fois
de leurs pieds les terres radioactives de cet univers si original et captivant.