Chili,
11 septembre 1973. Des avions militaires bombardent le palace présidentiel
à Santiago. Les opposants du président, une grande partie de l'oligarchie,
ont fait appel aux Etats-Unis pour se débarrasser de leur gouvernement.
Un coup d'état réussi qui verra le Chili entrer dans une dictature
militaire pour plus de vingt ans et fera des milliers de morts. L'histoire de
Just Cause se déroule sur une île fictive d'Amérique du Sud
et malgré le rapprochement scénaristique d'un futur coup d'état
commandité par la CIA, le jeu se veut parodique et très cartoonesque
dans son traitement. Contrairement à Salvador Allende qui fut le premier
président socialiste démocratiquement élu dans le monde,
le général Salvador Mendoza n'a pas encore été destitué
de son pouvoir. Il n'appartient qu'à vous, Rico Rodriguez (agent de la
CIA) de renverser le pouvoir corrompu et d'instaurer la démocratie et des
Burger King sur l'île de San Esperito. Viva la Revolutión !
Si
l'on accepte le postulat scénaristique et politiquement douteux de Just
Cause ce n'est qu'un jeu vidéo et ce ne n'est pas le premier à
avoir un sujet controversé on se retrouve donc parachuté
(littéralement) sur l'île de San Esperito (1024 km2 de tour de poitrine)
dans un clone de GTA ensoleillé. Et après tout, on se rend compte
que le jeu est tellement caricatural (et traité au second degré)
et que l'univers proposé importe uniquement pour sa situation géographique
et sa taille gargantuesque.
Le scénario principal compte 21 missions
qui sont globalement réussies et variées. De l'usurpation d'identité
d'un baron de la drogue pour lui subtiliser sa cargaison de poudre blanche, de
diverses livraisons, en passant par la libération d'une rebelle emprisonnée
par El Presidente dans une prison bien gardée ou encore par la prise puis
à la défense d'une radio pendant que le chef des rebelles passe
son message de propagande, il y a de quoi ne pas s'ennuyer (ou s'amuser, c'est
selon, pour ceux qui n'aiment pas les doubles négations). En revanche,
ce n'est pas le cas des missions secondaires (non liées au déroulement
de l'histoire, mais apportant de nombreux bonus supplémentaires: bases,
armes, véhicules, etc.) qui sont fort nombreuses mais d'une redondance
quasi pathologique. La durée de vie du jeu est donc artificiellement rallongée
mais finalement, ce n'est pas un réel défaut dans le sens qu'on
revient volontiers de temps en temps pour faire quelques missions secondaires
pour le fun.
San Esperito est formée
de 36 îles dont il faudra reprendre le contrôle. D'abord sous le joug
gouvernemental, il ne tient qu'à vous d'aider la guérilla ou le
cartel de la drogue à s'approprier chacune de ses 36 parcelles paradisiaques.
Il va donc falloir utiliser les nombreux véhicules (terrestres, maritimes
ou aériens) mis à votre disposition pour se rendre dans chacune
d'elle et faire parler la poudre. Il est d'ailleurs dommage qu'Avalanche Studios
ait implémenté une visée automatique pour les gunfights (une
visée manuelle est disponible, mais le gameplay n'ayant pas été
conçu dans cette optique, elle reste anecdotique) et la jouabilité
qui en découle est assez brouillonne et pas vraiment palpitante. Le jeu
vous met en face de dizaines d'ennemis sans que vous ayez à vous préoccuper
de les viser individuellement, il suffit de regarder plus ou moins dans la direction
du danger et en avant la purée. Le plaisir "homicidaire" est
diminué de par sa relative facilité et même si les GTA-like
ont toujours prouvé être des tueries vidéoludiques aux fusillades
primaires, la venue de Saints
Row et de sa visée manuelle au poil a bien changé la
donne. En contre-partie et dans l'ensemble, les véhicules sont assez maniables
(les voitures réagissent cependant un peu comme des caisses à savon)
et c'est un réel plaisir quand on prend en main, enfin, son premier véhicule
volant. La liberté est telle qu'on en oublie vite tous les petits défauts
cités plus haut, et on s'adonne au plaisir jouissif du tourisme. Quand
en plus on ajoute la possibilité originale de pouvoir utiliser un parachute
(dépliable à volonté) et d'un grappin, de différentes
cascades réalisables depuis les véhicules, on frôle l'orgasme
vidéoludique. Ce plaisir vient en partie du fait que le jeu est graphiquement
très plaisant.
San Esperito est
magnifiquement modélisée, la végétation est abondante,
l'eau est transparente et les effets d'éclairage dus aux changements liés
au cycle du jour et de la nuit donnent lieu à de bien belles vues. Le jeu
gère également le changement climatique (brouillard, pluie) et les
nuages volumétriques. De quoi repartir en vacances virtuellement... Mais
tout n'est pas si rose; les personnages sont modélisés à
la truelle et manquent singulièrement de charisme. Le design des véhicules
terrestres est également très peu inspiré, et la modélisation
ainsi que l'architecture des différentes villes sont beaucoup trop carrées.
Mais le pire reste l'animation complètement ratée du personnage
principal (et des autres d'ailleurs) qui a une démarche de canard constipé
et dégaine ses armes avec l'aisance d'une momie. Malgré l'évocation
du moteur physique Havok sur le boîtier du jeu, les animations de morts
des ennemis sont toujours les mêmes et les collisions entre les différents
véhicules font peine à voir. Et à entendre...
Le département
sonore à été complètement sous-traité: on a
droit aux mêmes musiques (chacune d'elle se déclenche suivant que
l'on se bat, tombe en chute libre, que l'on soit en bateau, etc.) pas si inspirées
et vraiment répétitives. Les bruitages des différentes armes
sont passables, mais ceux des collisions entre véhicules sont vraiment
risibles tellement ils ne sont pas appropriés. Et quand on entend beugler
pour la millième fois en deux minutes « agua fria ! » on a
envie d'en retrouver la source et de lui fermer le clapet par surplus de mercure
dans le sang.
Au final et malgré
pleins de petits défauts, Just Cause est un bon petit jeu. On s'y amuse
beaucoup et l'ambiance « révolution sous les palmiers » fonctionne
par son univers graphique réussi. Il est vrai que le jeu aurait demandé
plus de temps pour paraître moins brouillon (les fusillades, le maniement
des véhicules terrestres, certains bruitages, etc.), mais il faut relever
qu'il s'agit là du premier jeu d'Avalanche Studios qui s'en sort quand
même plutôt bien. Leur moteur graphique est performant mais hélas
n'est pas exempt de bugs en tous genres (problèmes de collisions, pop-up,
etc.) Si l'on juge le jeu pour ce qu'il est et non pas pour ce qu'il aurait pu
être (encore heureux !) on obtient un produit où l'on passera de
très bons moments si l'on arrive à mettre de côté des
défauts de jeunesse. La révolution semblait bien partie (du moins
sur le papier) mais fait cependant plus état d'un coup d'état, lui,
échoué.
LorHan
- 27.09.2006