Dès la conférence pré-E3
2005 de Microsoft, plus de six mois avant la
sortie de la Xbox 360, Gears
of War a su retenir l'attention des
joueurs et de la presse, notamment grâce
à ses superbes graphismes accrocheurs
propulsés par le tout nouveau moteur
Unreal Engine 3 d'Epic Games, qui n'est autre
que le développeur du jeu. Un an et demi
se sont écoulés, les diverses
vidéos,
interviews,
images et réactions de ceux qui ont pu
s'y essayer n'ont fait qu'accroître le
désir d'y jouer. L'Emergence Day est
enfin là, tout ce tapage médiatique
était-il mérité ?
L'histoire se déroule sur la
planète Sera, monde ravagé par la guerre qui s'est déroulée
tout d'abord entre humains pour le contrôle d'une nouvelle forme d'énergie
appelée imulsion, puis contre les Locust, ces monstres sortis sans crier
gare des profondeurs de la terre. Le joueur incarne Marcus Fenix, soldat mis aux
arrêts pour avoir désobéi aux ordres, et que son ami Dominic
Santiago libère de prison dès le début de l'aventure. Ses
compagnons, Marcus ne les lâche quasiment jamais au cours du jeu, qui se
caractérise par la coopération, que ce soit avec l'IA, avec un ami
lors de la campagne, et même lors des affrontements multijoueurs en équipe
eux-aussi.
Epic a choisi pour Gears of
War une vue que son lead designer Cliff
Bleszinski qualifie de vue "à la deuxième personne".
Lors des déplacements, la vue est traditionnellement à la troisième
personne, ce qui s'avère indispensable car le jeu base tout son gameplay
sur l'utilisation d'éléments de couverture. Impossible donc d'y
jouer tête baissée, façon FPS. Pour mettre cela à exécution,
la touche A fait office de bouton multi-usages. A proximité d'un mur, canapé,
sac de sable ou autre élément de décor, une pression sur
A permet au joueur de se mettre rapidement à couvert en se jetant contre
le décor. L'effet est assez étonnant, on s'y sent presque aspiré
et collé, et il faut d'ailleurs rappuyer sur A pour s'en éloigner.
Depuis cet endroit, ce même bouton permet de franchir l'obstacle en l'enjambant
quand cela est possible, ou alors de faire très facilement une roulade
sur le côté pour s'en détacher, ou encore si un autre mur
est à proximité, d'effectuer un "pivot swat" (swat turn)
à la manière de Sam Fisher dans Pandora
Tomorrow. Ce même bouton A sert à effectuer également
une course tête baissée, rendant impossible les tirs, mais permettant
de se déplacer rapidement d'un élément de couverture à
un autre. Comme toutes ces actions se font avec un seul bouton, les premiers essais
font parfois que l'on saute au beau milieu des ennemis au lieu de se mettre à
couvert. Il faut bien quelques bonnes dizaines de minutes pour appréhender
la prise en main, mais ensuite tout ceci devient instinctif et facile à
exécuter, rendant toutes ces possibilités de mouvements bien plaisantes.
Si depuis ces éléments de décor, il est possible de tirer
à l'aveugle, l'absence de viseur rend l'exercice uniquement utile si un
ennemi se trouve très proche. En maintenant par contre la gâchette
gauche enfoncée, la caméra se rapproche du héros pour venir
se placer sur l'épaule, proche d'une vue à la première personne.
Et cette fois, le viseur fait son apparition, ce qui rend évidemment les
tirs bien plus précis, mais expose également plus Marcus à
ses ennemis.
Le bouton Y s'utilise lui
aussi de manière assez originale, et sert à la caméra pour
se focaliser sur un événement particulier, que ce soit par exemple
un allié à terre qu'il faut s'empresser de ranimer, ou un hélico
qui passe dans le ciel. Mais afin d'éviter que cela gêne le joueur
lors d'une phase d'action intensive, il est possible dans chacune de ces situations
d'appuyer ou non sur cette touche lorsque l'on voit l'indicateur apparaître
à l'écran. On n'aurait pas forcément cru cela possible, mais
Epic a réussi à rendre les classiques phases de rechargements d'armes
intéressantes, au travers d'une sorte de mini-jeu. En appuyant une seule
fois sur RB, l'arme se recharge traditionnellement. Mais en appuyant une deuxième
fois au bon moment, et en s'aidant d'une petite jauge située en haut de
l'écran, on peut au choix : recharger plus rapidement, augmenter temporairement
la puissance de feu de son arme, ou enrayer l'arme un court instant si on se loupe
complètement. Quatre armes peuvent être transportées en même
temps et sont accessibles via la croix directionnelle (un emplacement est réservé
aux pistolets et un autre aux grenades). Plusieurs sont très classiques,
telles les pistolets, le lance-grenades ou le fusil de snipe. D'autres sont plus
originales comme la baïonnette-tronçonneuse attachée au fusil-mitrailleur,
qui permet d'une simple pression de touche de découper son adversaire en
deux, avec de grosses gerbes de sang qui viennent dégouliner sur l'écran.
L'Arbalète à tension et le Rayon de l'Aube sortent également
du lot. La première permet de décocher des carreaux explosifs après
un court chargement, tandis que le second, utilisable uniquement en extérieur,
fait appel à un satellite en orbite qui foudroie de son rayon tout ce qui
se trouve à l'endroit désigné par le viseur.
Gears
of War enchaîne les moments de tirs intensifs, avec pour seules coupures
de très belles cinématiques, la recherche de cog tags (plaquettes
militaires), l'exploration de coins sombres agrémentée de légers
frissons, et une seule phase en véhicule "pilotable". C'est peu,
on en aurait aimé plus, même si quelques autres moyens de transport
"non dirigeables" existent dans le jeu et contribuent à apporter
de la variété. Cette dernière est bien présente, surtout
pour un jeu de tir, et grâce à l'excellence du gameplay, à
la variété des situations et à l'intensité des affrontements,
on ne s'ennuie pas un instant. La "barre de vie" n'est pas présente
à l'écran, et est gérée un peu à la manière
de Call of Duty 2,
à savoir qu'un crâne écarlate apparaît à l'écran
quand on reçoit beaucoup de dégâts, signe qu'il faut rapidement
se mettre à couvert le temps que le symbole disparaisse. Trois niveaux
de difficulté sont proposés, dont le plus dur, Dément, est
à débloquer. Si le mode facile, appelé ici Recrue, ne posera
pas de problèmes à la majorité des joueurs, le mode normal
(Vétéran) offre déjà un challenge intéressant.
Il faut compter une dizaine d'heures dans ce mode pour arriver au bout des cinq
actes que compte le jeu. C'est plutôt court, surtout quand on apprécie
fortement le jeu, ce qui est le cas ici. Mais il est toujours possible ensuite
de rejouer l'aventure dans un mode plus difficile, de rechercher les plaques militaires
cachées que l'on aurait oubliées, et surtout de refaire l'aventure
en mode coopération, qui s'avère excellent. Dès le début
de la conception, Gears a été pensé pour ce mode de jeu à
deux, possible en écran partagé, mais également en LAN et
sur le Live. Comme dans Perfect
Dark Zero, il arrive par moment que les chemins des deux joueurs se
séparent durant quelques minutes, mais on garde presque toujours un oeil
sur son coéquipier. En plus de donner un coup de main lors des phases délicates,
surtout à un niveau de difficulté plus élevé, et de
donner plus de vie, de plaisir et d'imprévisibilité à l'aventure,
un coéquipier humain permet également de faire "revivre"
l'autre joueur si celui-ci est à terre. Chose qui s'avère très
utile si l'on s'attaque au mode de difficulté le plus élevé.
Cet aspect coopératif a été bien pensé, et il est
tout à fait possible de débuter seul l'aventure, puis de la continuer
avec un ami qui rejoindrait la partie en cours de route que ce soit en ou hors
ligne.
On s'y attendait, mais malgré
cela les graphismes arrivent quand même à nous décrocher les
mâchoires et à nous surprendre tant ils sont réussis. Les
personnages sont modélisés avec un grand soin, regorgent de détails
et se meuvent avec souplesse et fluidité, sans aucun ralentissement. Les
textures sont, à quelques rares exceptions, superbes et gagnent encore
en finesse lorsque l'on s'en rapproche. Plusieurs effets magnifiques viennent
encore agrémenter le tout, comme cette légère distorsion
de l'image apparaissant au-dessus d'une arme chauffée par les tirs, la
fumée sortant de la tronçonneuse (dont la vitesse est variable avec
la gâchette droite), l'effet de flou sur les bords de l'écran lors
d'une course basse, les giclées de sang tachant l'écran et perturbant
la vue pendant quelques secondes, ou cette pluie qui rebondit sur le décor
et donne un aspect humide bien réussi. La création artistique est
splendide, donnant une ambiance d'ancienne cité d'Europe de l'Est à
moitié détruite par la guerre, mais dont il subsiste les traces
d'une splendeur passée. Aucune répétition dans les textures,
ni dans les environnements que l'on croise lors des cinq actes que compte le jeu.
Seul petit regret à ce niveau, si plusieurs éléments de décor
sont destructibles, on aurait aimé encore plus d'interactions, comme pouvoir
détruire les lampes en leur tirant dessus. A l'instar d'autres titres déjà
sortis sur Xbox 360, Gears of War nécessite un écran supportant
un signal de 60Hz.
L'aspect audio n'est pas en reste avec
les superbes musiques d'orientation classique et signées Kevin
Riepl, accompagnées de bruitages très réussis
et convaincants. Les dialogues ont été intégralement traduits
en français et le résultat est très correct, même si
le volume des voix est parfois un peu faible. Les dialogues sont caricaturaux
et par moments quelque peu risibles, mais l'ensemble colle plutôt bien à
cette escouade de gros bras que l'on dirige. Pour les amateurs de VO, on notera
qu'il est possible de retrouver la version anglaise en mettant le dahsboard de
la console dans la même langue.
Outre
l'excellent mode coopération, Gears of War propose des affrontements en
multijoueur, à deux en écran partagé sur une console, et
jusqu'à huit, en équipes de quatre contre quatre sur le Live. Dix
cartes pour l'instant sont disponibles (Escalade, Impasse, Manoir, Dépôt,
Mausolée, Gare de Tyro, Guerre, Canaux, Les toits, et Clocher). Toutes
sont relativement petites, mais conviennent parfaitement aux affrontements furieux
à quatre contre quatre, et proposent de nombreux éléments
de couverture. Concernant l'utilisation des armes en multi, Epic a fort heureusement
réussi à bien les équilibrer, ce qui est le cas notamment
de la tronçonneuse qui n'est pas forcément l'arme de toutes les
situations comme on aurait pu le craindre, puisque quelques tirs suffisent à
enrayer le mouvement. Trois modes de jeu existent : Zone de guerre (deathmatch
classique en équipe), Assassinat où pour gagner il est nécessaire
de tuer le chef de léquipe adverse tout en protégeant le sien,
et enfin Exécution qui est une variante de Zone de guerre, mais où
il est nécessaire d'achever un ennemi à terre, en lui éclatant
la tronche avec son pied, avec la tronçonneuse ou encore d'une balle dans
la tête, si on ne veut pas qu'il se relève après quelques
instants. Oui, Gears of War est un jeu particulièrement violent, et peut-être
encore plus au niveau multijoueur. Si ces trois modes de jeu sont vraiment fun,
on regrette le manque de diversité puisque tous trois ne sont que des variantes
de matchs à mort en équipe. Espérons qu'Epic proposera prochainement
sur le Marché Xbox Live quelques nouvelles cartes, et surtout de nouveaux
modes de jeu tels que Capture du drapeau ou encore Roi de la colline. On constate
très rarement du lag, mais il arrive par contre assez fréquemment
d'obtenir pour message "La connexion avec l'hôte a été
perdue" lorsque l'on tente de rejoindre une partie avec classement sur le
Live. Autre regret concernant le multi, il est actuellement possible, grâce
à une petite astuce, de jouer avec plusieurs amis dans des parties classées
sur Xbox Live, ce qui rend certains affrontements très déséquilibrés
et le classement mondial totalement faussé. Espérons que ce sera
corrigé avec un futur patch, et si celui-ci apportait en prime la gestion
des clans, on serait comblé. En l'état, si l'expérience en
ligne s'avère déjà bien plaisante, les petits problèmes
cités empêchent GOW d'arriver au même degré d'excellence
sur le Live qu'un certain Halo
2. Mais Epic, connu pour sa grande expérience des jeux multijoueurs,
est déjà en train de travailler à plusieurs ajouts et améliorations.
Croisons les doigts, car le potentiel est là.
Signalons qu'une version collector est
vendue pour environ 5 € / 10 CHF de plus que la version normale. Elle propose
en supplément dans un boîtier métal : un art book Destroyed
Beauty signé par Eric Nylund (auteur de romans sur Halo), Jerry O'Flaherty
et Cliff Bleszinski. On trouve également un DVD bonus comprenant notamment
un making of, divers trailers et le documentaire "Gears of War : The Race
to E3", le tout uniquement en anglais sans sous-titres. Si cette édition
collector "limitée" n'est pas forcément indispensable,
elle permet néanmoins de mieux découvrir toute l'histoire, assez
riche, entourant Gears et qui n'est que peu développée lors de la
campagne; ainsi que toutes les coulisses de la création du jeu de façon
très instructive. Plus d'infos concernant cette édition limitée
juste
ici.
Gears
of War ne révolutionne peut-être pas le genre action-tir, mais il
apporte toute une série d'innovations intéressantes en terme de
gameplay, qui s'avère vraiment excellent. Si le jeu n'est pas exempt de
défauts, on pense surtout à une durée de vie un peu juste
en mode campagne, et à un multi améliorable, tout ceci est vite
oublié face à la réalisation plus qu'exemplaire, la très
bonne jouabilité, l'intense campagne solo doublée de l'excellent
mode coopératif, et un jeu en ligne très plaisant. Un incontournable
pour tous les amateurs de jeux de tir ou action, à classer dans les meilleurs
titres de 2006 et qui s'impose comme nouvelle référence graphique
sur consoles.
Max73 - 17.11.2006