Pour ceux qui
auraient passé leurs trois dernières
années enfermés au fond d'oubliettes
de château, ou bloqués dans une
cage de troll affamé, voici un petit
rappel des faits. En développement
depuis près de quatre ans, et annoncé
en 2001 comme futur jeu phare de la Xbox,
Fable, anciennement appelé Project
Ego est un action-RPG développé
par Big Blue Box, société satellite
de Lionhead. Ce jeu a souvent fait l'actualité,
et entretenu l'attente des fans grâce
à plusieurs slogans accrocheurs, en
partie annoncés par Sir Peter Molyneux.
Que reste-t-il de ces annonces, et qu'en est-il
vraiment dans le jeu, maintenant qu'il est
enfin disponible ?
L'histoire
se déroule à Albion, vaste contrée
parsemée de petits villages et villes,
de lacs, ruisseaux et cascades, de forêt
enchanteresses et de marais sombres. Le village
d'Oakvale abrite quelques dizaines d'âmes
et un héros en devenir, haut comme
trois pommes au début de l'aventure.
Son père lui rappelle qu'il ne lui
faut pas cette année oublier l'anniversaire
de sa soeur, et trouver un cadeau pour cette
occasion. C'est à ce moment que le
joueur prend les rênes de son avatar
et le fera évoluer, entre les chemins
du bien et du mal, de la pré-adolescence
jusqu'à un âge bien avancé.
Cette introduction
sert de didacticiel à l'aventure, et
l'on découvre ainsi plusieurs des possibilités
du jeu. Afin de récolter les quelques
pièces d'or nécessaire à
l'achat d'un cadeau pour votre sur,
il faut mener à bien quelques mini-quêtes.
Derrière une maison se cachent deux
amants en train de s'échanger des mots
doux. A votre approche, l'homme propose d'acheter
votre silence en échange d'une pièce
d'or. Allez-vous accepter, ou plutôt
le dénoncer auprès de son épouse,
réalisant ainsi une action (jugée
bonne) et permettant de recevoir une récompense
équivalente ? Un fermier vous demande
de surveiller quelques caisses sans bouger
pendant son absence. Un jeune garçon
arrive ensuite et propose d'ouvrir les caisses
et de partager leur contenu avant le retour
du fermier. Allez-vous succomber à
la tentation ? Ou rester en place sans broncher,
pour recevoir un pièce d'or ? ou encore
faire ce qui est demandé, pour ensuite
mieux piller ces contenants, discrètement
sans avoir à partager ? Ces choix de
moralité n'ont que peu de conséquences
durant l'enfance, mais très vite ils
influenceront la perception qu'ont les autres
sur le héros. Et c'est en fonction
de vos actes et de la façon dont les
quêtes seront menées à
bien que vous serez non seulement craint,
respecté, méprisé ou
aimé, mais également que votre
apparence physique changera (musculature,
poids, couleur de peau, auréole, cicatrices,
cornes, ...).
Quelques heures
avant l'anniversaire de votre soeur, une horde
de bandits attaque Oakvale, votre village.
S'en suivent quelques événements
que nous tairons ici, et vous vous retrouverez
ensuite à la guilde des héros,
avec un profond désir de vengeance
en tête. Au cours des jours et mois
qui suivent, vous apprendrez le maniement
des armes de mêlée, et de celles
à distance. Vous serez également
initié aux arcanes de la magie. Toutes
ces possibilités de combat sont simples
à mettre en pratique, grâce à
une prise en main aisée. Pour l'utilisation
de l'épée, un seul bouton suffit
pour trancher dans les chairs. Un autre peut
être utilisé pour une botte,
un dernier pour parer les coups et faire des
roulades. Un système de lock existe
avec la gâchette gauche, mais on ne
l'utilise que peu souvent, car gênant
plus l'action et la vue qu'autre chose. De
plus, cette même gâchette gauche
est utilisée pour une autre fonction
: l'attaque de cibles amies ou neutres. Dans
le feu de l'action, en voulant utiliser la
touche lock, on risque donc de toucher involontairement
une personne que l'on est censé protéger
plutôt que l'ennemi; on s'en passera
donc. On notera la présence originale
d'un multiplicateur à l'écran,
progressant au fil des coups portés,
et diminuant avec le temps ou avec les coups
reçus. Plus le multiplicateur est élevé,
plus les points d'expérience récoltés
(sous forme d'orbes vertes) sont importants.
Pour le combat à l'arc ou à
l'arbalète, la vue peut être
également à la troisième
personne, ou alors subjective pour plus de
précision. Deux niveaux de zoom sont
possibles et là encore, le maniement
s'acquiert facilement. L'utilisation de la
magie ne demande guère plus de temps
pour l'apprentissage. On maintient la gâchette
droite enfoncée, et on sélectionne
un des trois boutons assignés au sorts
pour envoyer boules de feu et autres arcs
électriques, superbes soit dit en passant.
En fonction de
la fréquence d'utilisation des trois
disciplines existantes, les points d'expérience
de chacune augmentent plus ou moins rapidement.
En privilégiant le combat rapproché,
les points d'expérience sont attribués
à la force. Avec l'arc, c'est l'adresse
qui progresse; enfin l'utilisation de magie
augmente l'expérience de volonté.
Après une progression jugée
suffisante, il est possible de retourner à
la guilde des héros (à pied,
ou par téléportation), pour
se rendre à la zone de dépense
d'expérience, et échanger ces
points gagnés pour faire augmenter
les caractéristiques et pouvoirs de
son héros. Mis à part les points
d'expérience générale,
ceux gagnés dans chaque discipline
doivent être dépensés
dans les secteurs correspondants. Pour la
force, il s'agit des points de vie, résistance
et force de frappe. Pour l'adresse : vitesse
des coups, précision et vol. Pour la
volonté : points de mana, et sorts
(d'environnement, physiques ou offensifs).
Malgré l'absence de véritables
passages de niveaux, tout le système
d'expérience est agréable dans
la pratique, original, et reflète bien
le comportement du héros dans le jeu
selon ses préférences plutôt
tournées vers la magie, l'attaque à
distance ou de mêlée.

A partir de la
guilde des héros, vous pouvez accepter
des quêtes et, en option, des esbroufes.
Ces dernières permettent d'augmenter
la difficulté d'une mission (en la
faisant par exemple tout nu, ou en se battant
uniquement avec les poings), ce qui se traduit
en cas de réussite par un gain plus
important de pièces d'or et de renommée.
La renommée a d'ailleurs une place
très importante dans le jeu, puisqu'elle
modifiera le comportement des habitants d'Albion
à votre approche. Pour qu'elle soit
élevée, il faut réussir
les quêtes, mais également exhiber
ses trophées (gagnés après
chaque mission importante) à un maximum
de personnes. Ainsi, après quelques
heures de jeu, le joueur passera du statut
de parfait inconnu à celui de héros
adulé ou craint. Les gens vous acclameront
à votre passage, les jeunes donzelles
vous feront les yeux doux, et les marchands
proposeront des prix avantageux.
A côté
de l'aspect jeu de rôle, des quêtes
principales, de la collecte de points d'expérience
et d'armes, Fable propose toute un série
de mini-jeux et autres activités optionnelles
mais ludiques. Et c'est également ces
choses qui sont l'originalité et la
marque de fabrique de Fable. La principale
est relative à la simulation sociale
appliquée à la population. Comme
évoqué plus haut, les habitants
d'Albion adoptent différentes attitudes
à votre approche, en fonction d'une
foule de paramètres, tels que le type
de vêtements (ou leur absence...) du
héros, sa renommée, son alignement
(bon, mauvais ou entre deux), son âge,
sa coupe de cheveux, son type de barbe, ses
tatouages, ou encore en fonction de vos comportements.
Le joueur est le personnage central de l'histoire,
mais aussi le principal centre d'intérêt
des habitants d'Albion, votre ego en sera
assurément satisfait. Les dialogues
sont plutôt limités dans leur
forme verbale malheureusement, mais beaucoup
moins pour ce qui est de la gestuelle. Toute
un série d'expressions peuvent être
utilisées. Certaines dépendent
de l'alignement, d'autres doivent être
trouvées ou apprises ou le sont d'office
avec une renommée suffisante. On peut
ainsi devant un homme ou une femme, notamment
: glousser, pousser un rire sadique, dire
merci ou pardon, tenter de séduire,
faire une pose virile, se vanter, roter, pêter,
mimer l'acte sexuel, offrir un cadeau (voire
une alliance), ou encore exhiber un trophée.
Plusieurs mini-jeux et activités optionnelles
sont également possibles dans Fable, tels
que le commerce (en comparant les prix d'un
marchand à l'autre), l'achat, la décoration
puis la location de maisons, le mariage (et
plus si affinité), les beuveries (avec un
flou artistique plutôt réussi, et souvent
suivi de vomissements), la collecte de clés
d'argent (pour ouvrir des coffres spéciaux
disséminés dans le jeu), la recherche de trésors
au moyen d'une pelle, la pêche, les énigmes
à résoudre pour ouvrir les nombreuses grottes
démoniaques, les combats de boxe, ou encore
les divers jeux proposés dans les tavernes
(memory, black jack, jeux d'adresse). Tout
ceci apporte beaucoup de variété à Fable,
empêche toute monotonie et fait que ce titre
se distingue nettement des autres jeux du
même genre. En outre, ces aspects permettent
à ce jeu d'atteindre ce que les jeux de casino
en ligne proposent dans le domaine des jeux.
Malgré
ce tableau idyllique, quelques regrets sont
à signaler. Plusieurs bonnes idées
ont été mises en pratique pour
l'utilisation des touches d'accès rapide,
néanmoins l'interface reste peu claire
lorsque l'on veut naviguer dans les menus,
ou découvrir les cartes des zones avoisinantes.
Dans un autre registre, plusieurs promesses
faites par le passé n'ont pas été
tenues. Et même si cela est fort compréhensible
au vu de l'ambition presque démesurée
affichée très (trop) tôt
lors du développement, on s'étonne
par exemple de ne pas voir plus souvent les
autres héros, et de plus grandes rivalités
et interactions entre eux et notre avatar.
La liberté totale annoncée n'est
également pas présente dans
le jeu; et que ce soit au niveau des chemins
à emprunter, ou de la façon
dont on mène à bien la quête
principale, la liberté de mouvements
est malheureusement limitée.
Côté
audio, Fable s'en sort avec les honneurs.
Pour le générique, on a droit
à une très belle partition de
Danny Elfman (auteur des B.O. des films Spiderman
1 et 2, Mission Impossible, Batman, ...),
et c'est Russell Shaw, déjà
compositeur sur Black & White qui s'est
occupé du reste des mélodies,
pour donner un ton féerique et grandiose
au jeu. Toutes les voix ont été
traduites en français, et même
si certains dialogues sont répétitifs,
la qualité est au rendez-vous, notamment
lors des narrations entre chapitres. Enfin,
les bruitages complètent le tout avec
justesse et soin.
Les environnements
du jeu, mélange d'Europe médiévale
et de contes de fées, sont superbes.
Citons par exemple les forêts, aux arbres
réalistes et ne laissant passer que
quelques petits rayons de soleil, les herbes
bougeant au gré du vent, ou encore
le bestiaire de monstres ayant tous un look
original et très travaillé.
L'apparence très détaillée
du héros change en fonction de ce qu'il
porte (armes, vêtements), mais évolue
aussi avec l'âge, les cicatrices, le
type de coupe de cheveux, l'alignement, ...
Impressionnant. Les animations sont naturelles
et bien définies. Au niveau des quelques
regrets sur le plan graphique, citons quand
même la présence de quelques
ralentissements, une certaine répétition
dans l'apparence et les visages des habitants,
et le non-support du mode 16/9.

Ceux qui attendaient
de Fable qu'il réponde à toutes
les promesse faites risquent d'être
quelque peu déçus, mais en mettant
cela de côté un instant, le titre
de Big Blue Box est un excellent action-RPG,
amenant fraîcheur et nouveautés
au genre. La longévité et la
rejouabilité sont importantes, pour
autant que l'on passe du temps à découvrir
toute la richesse de Fable, sans se concentrer
exclusivement sur la quête principale.
Malgré quelques regrets cités
plus haut, l'ambiance très prenante,
la réalisation graphique et sonore,
les libertés morales, la simulation
de monde vivant, l'humour et le fun de tous
ces petits jeux optionnels font de Fable assurément
un des meilleurs jeux de rôle sur Xbox.
Max73 - 9.10.2004
Avis complémentaire
par Sam Fisher:
Fable est un jeu terriblement envoûtant.
Le monde qui nous entoure nous aspire rapidement
et nous plonge parmi des personnages particuliers,
attachants ou repoussants, souvent drôles;
et au milieu de décors féeriques,
qui sont d'une cohérence étonnement
réussie, à tel point que l'on
n'y pense même plus. La diversité
des actions réalisables agrandit de
manière étonnante un univers
pas si grand que ça si on y pense,
en lui offrant profondeur et intérêt.
Jouer à Fable est pour moi une aventure
à part. C'est un jeu de rôle
que l'on "vit" plus qu'on ne joue.
Sur ce point-là, les promesses annoncées
sont bien tenues. Albion ne rime jamais avec
ennui.