Test : Oddworld - La Fureur de l'Etranger
Après
deux épisodes sur Playstation et PC, la saga Oddworld revient pour la deuxième
fois en exclusivité sur Xbox. Cette fois, Abe
et Munch ne sont plus de la partie et cèdent leur place à
un redoutable chasseur de primes, l'Etranger.
Le concept
de jeu est ici bien nouveau pour cet univers, puisque si les précédents
épisodes mêlaient les genres puzzle et plate-forme, La Fureur de
l'Etranger alterne les phases de FPS et de jeu d'action à la troisième
personne. Cette orientation bien différente dans la prise en main pourra
peut-être déconcerter un premier temps les aficionados de la série,
mais qu'ils se rassurent, le plaisir de jeu est toujours intact; et ces changements
auront peut-être le mérite de faire découvrir cet univers
aux habitués du genre action. L'Etranger,
dont personne ne connaît le passé ni les origines, est un chasseur
de primes à l'apparence de fauve, avec bottes et chapeau de cow-boy. Il
doit réunir la somme de 20'000 Moollahs, la monnaie locale, pour subir
une mystérieuse intervention médicale. Pour cela, il faudra se rendre
dans les bureaux de primes des différentes villes, afin d'accepter de traquer
les hors-la-loi qui infestent l'Ouest sauvage d'Oddworld. Après quelques
emplettes à l'épicerie locale, afin d'acheter protections, cartouchières,
et améliorations en tous genres, notre héros peut discuter avec
les Caquets, les habitants-poulets des premières bourgades, afin de récolter
quelques indices sur la mission à venir. En vue à la troisième
personne, l'Etranger marche, saute (un peu lourdement malheureusement), coure
sur deux pattes, puis sur quatre si l'environnement lui permet de prendre plus
de vitesse. Ce mode de déplacement à quatre pattes possède
deux avantages très vite identifiables. Tout d'abord, il peut ainsi se
rendre rapidement de la ville jusqu'à la proie qu'il traque, en passant
par de petits canyons où il faudra éviter avec réflexes cactus
et grosses pierres disséminés ça et là, sous peine
de ralentissement instantané et de grognements réprobateurs. A quatre
pattes, notre héros peut également foncer sur les malfrats, qui
se trouvent ainsi projetés au loin et étourdis, chose bien utile
puisque s'ils sont capturés dans cet état plutôt que morts,
ils rapporteront plus de Moollahs une fois de retour au bureau de primes.
Outre
sa "course-bélier", l'Etranger peut asséner à ses
ennemis des coups de points virevoltants ainsi qu'un coup de boule, mais c'est
surtout son arbalète qui constitue sa force de frappe principale. Celle-ci
présente l'une des nombreuses originalités du jeu, puisque les munitions
sont vivantes. Au nombre de neuf, on trouve notamment le Zap, une sorte de mouche
électrique, seule munition disponible en quantité infinie, permettant
de faire de faibles dégâts et d'assommer les ennemis peu résistants
ou encore de déclencher certains mécanismes électriques.
L'écureuil, une fois lancé, pousse des cris qui attirent le hors-la-loi
le plus proche, très utile pour tendre une petite embuscade et lui lancer
ensuite une Bolamite, une araignée qui le ligotera pendant quelques secondes
nécessaires à sa capture (en appuyant sur le bouton X, on aspire
une proie assommée ou ligotée). D'autres munitions plus destructrices
sont également présentes telles que les abeilles tirées en
rafale, ou la chauve-souris explosive. Mais leur utilisation est à réserver
aux moments critiques puisqu'ils entraînent généralement la
mort des adversaires. Mais c'est surtout lors de l'affrontement avec les hors-la-loi
principaux, ceux ayant leur trombine sur affiche, qu'il faudra choisir ses munitions
avec soin pour tenter de les étourdir en diminuant leur barre d'endurance,
plutôt que de les tuer. Tous ces outlaws principaux sont capturables vivants,
mais s'il est souvent plus facile de les tuer, cela rapporte aussi beaucoup moins
d'argent. Au joueur donc de trouver la bonne tactique et la combinaison d'armes
efficace contre chacun des truands en chef. Deux types de munitions vivantes sont
utilisables simultanément, ce qui permet aux joueurs de découvrir
leurs combos préférés. On notera avec plaisir que les deux
animaux présents sur l'arbalète sont bien visibles, bougent, trépignent
d'impatience, et font même de petits bruits. Détails sympathiques. Le
passage de la vue subjective (FPS) à la vue à la troisième
personne se fait d'une simple pression sur le stick droit. On peut donc en tous
temps alterner très facilement ces deux modes de vues et prises en main
bien différentes, et c'est très agréable. La vue externe
étant la plus indiquée pour les déplacements sur de longues
distances, pour se cacher dans les hautes herbes, ou pour les quelques rares sauts
et grimpées de corde à faire. Les munitions peuvent s'acheter en
ville, mais c'est surtout dans la nature que l'Etranger les capture (en tirant
dessus avec le Zap). Il faut donc surveiller, lors de ses déplacements,
les indices (nids, ruches, vrombissements) indiquant la présence de ces
munitions à l'état sauvage. Mais en faisant un minimum attention,
on est rarement à cours, d'autant qu'avant chaque affrontement majeur,
on trouve plusieurs nids à bestioles, et il en va de même dans les
arènes des boss. La barre de vie est présente comme dans la majorité
des jeux d'action, mais elle est complétée par une jauge d'endurance.
Cette dernière permet à l'Etranger de se trémousser et de
recharger ainsi sa barre de vie. Encore une idée originale et bien pensée.
Finies les quêtes de trousses de soin, en cas de santé bien entamée,
il suffit d'aller se secouer derrière un buisson (c'est toujours mieux
d'être discret pour cela). S'il faut faire un
reproche à cette aventure, c'est surtout son côté linéaire.
On enchaîne en effet les villes avec à chaque fois trois à
quatre gros boss à traquer, et le principe reste le même pendant
les 2/3 du jeu. Par la suite, le scénario évolue et les buts sont
quelque peu différents, mais à nouveau la progression s'effectue
de façon rigide. Dommage, car même si l'expérience s'avère
très plaisante, cela réduit fortement l'envie de rejouer immédiatement
au jeu une fois fini. Et avec l'absence de modes multijoueur, la durée
de vie est au final juste correcte avec dix à quinze heures au compteur. Les
environnements sont superbes, et nous font découvrir un monde proche de
l'ouest américain dans sa période western, avec ses maisons en bois
ornées de grosses enseignes, ses fermiers, ses balades en wagonnets de
mines, ses canyons poussiéreux et ses rivières tranquilles. On s'arrête
souvent pour contempler le paysage. C'est beau, et malgré la linéarité
évoquée plus haut, on ne se sent pas à l'étroit grâce
aux vastes étendues parcourables, toutes d'un trait, et sans temps de chargement
visible, s'il vous plaît. De nombreux petits détails sont présents
à l'écran; les effets de lumière sont bien gérés,
que ce soit pour les flammes ou les contre-jours. Les textures sont également
bien réussies, et le sol est couvert de végétation. Les animations
des personnages sont très correctes, on déplore juste un peu d'aliasing
ici ou là. Dans le genre des petits détails qu'on aime, en utilisant
la paire de jumelles, la mise au point ne se fait pas instantanément selon
l'éloignement du sujet observé, et en bougeant son champ d'observation
pour voir quelque chose de plus proche, l'arrière-plan devient flou (et
inversément). Inutile dans un jeu certes, mais très agréable
comme détail, d'autant que les jumelles en question permettent en plus
d'écouter les conversations souvent très drôles des ennemis
au loin. Les musiques, bien que généralement
discrètes, accompagnent plutôt bien l'ensemble. On aurait aimé
entendre du Ennio Morricone dans certains passages, mais c'est sans doute la récente
vision de westerns spaghettis qui me fait dire cela. Les bruitages sont convaincants
notamment pour les munitions vivantes, et les coups reçus ou portés.
La voix de l'Etranger est bien grave et adéquate, par contre pour ce qui
est des autres personnages, c'est très moyen. Le problème ne vient
pas du côté humoristique, souvent réussi d'ailleurs, mais
plutôt de la qualité technique insuffisante de la plupart des voix.
En français on a l'impression que seule une petite poignée de personnes
y ont contribué, on entend donc toujours la même voix nasillarde
pour les Caquets (qui sont d'ailleurs parfois difficilement compréhensibles),
ou une voix grave utilisée pour quasiment tous les boss. La qualité
d'échantillonnage semble faible également, et le son paraît
enfermé ou couvert lors de certains dialogues. Contrairement à d'autres
jeux Xbox, seule la langue française est présente sur le disque,
il ne sert donc à rien de mettre les paramètres de la console en
anglais. Dommage, car on passe à côté des voix délirantes
en V.O. faites par Lorne Lanning et le reste des développeurs d'Oddworld
Inhabitants. Mais même en anglais, les défauts de voix évoqués
ci-dessus semblent également présents. Malgré
quelques petits problèmes de voix, et une certaine linéarité,
Oddworld Inhabitants offre ici un jeu qui sort des sentiers battus, original,
facile à prendre en main et rempli de bonnes idées, telles que l'utilisation
de munitions vivantes ou la disparition de trousses de soins. Le monde est riche,
superbe, dépaysant, longuement travaillé et cohérent. Oui,
tout cela à la fois. Les messages politiques et écologiques sont
un peu moins présents que dans les précédents épisodes,
mais se font quand même sentir dans les dernières heures de jeu.
Chose trop rare dans l'univers vidéo-ludique, et qui mérite d'être
encouragée. Même avec une orientation plus tournée vers l'action
que par le passé, le jeu reste captivant et devrait plaire au plus grand
nombre. Une réussite. Max73
- 6.03.2005
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