Dévoilé lors du TGS 2005 en tant
que "projet Assassin" pour la console
de Sony, Assassin's Creed (la foi de l'assassin)
aura su se faire désirer longtemps, d'autant
que son développement sur Xbox 360 n'a
été annoncé qu'un an plus
tard. Le jeu est désormais disponible
sur la console blanche de Microsoft simultanément
à sa sortie sur PS3. Ubisoft Montréal
avait reçu pour mandat de redéfinir
le genre action-aventure, nous allons voir si
c'est le cas dans ce test sans spoiler d'Assassin's
Creed.
On
ne dévoilera donc pas ici la signification de l'interface anachronique
ni des interférences visuelles que l'on a pu voir dans plusieurs images
et vidéos du jeu. Sachez cependant que le scénario, en plus d'être
intelligent, est tout à fait cohérent et que l'un des mystères
est révélé très tôt dans l'aventure (voir même
avant si vous parcourez le manuel). L'histoire se déroule en 1191, alors
que la Troisième Croisade déchire la Terre Sainte. Le personnage
que l'on incarne s'appelle Altair, un membre de la secte des Assassins. Suite
au mauvais déroulement d'une mission, ce maître assassin est déshonoré
et déclassé. Pour se racheter et ainsi regagner son rang et la confiance
de se pairs, Altair doit éliminer neuf cibles principales, responsables
d'exploiter et d'aggraver les conflits créés par la troisième
croisade. Et ainsi, de tenter de ramener la paix en Terre Sainte.
Trois
grandes villes sont présentes dans le jeu : Jérusalem, Acre et Damas.
Deux autres lieux d'importance sont explorables : Masyaf, la base des Assassins,
ainsi que le royaume, une vaste étendue de terres séparant chacun
des lieux cités ci-dessus. Si quelques moments un peu dirigistes sont présents
dans le jeu, surtout au début de l'aventure, il est ensuite possible d'explorer
à sa guise les différents environnements. Leur taille impressionne,
entre un royaume vraiment gigantesque que l'on parcoure généralement
à cheval, et les villes que l'on explore à pied, et dont l'étendue
laisse rêveur. Depuis le repaire des Assassins, Altair reçoit le
nom de ses cibles, généralement par groupe de deux ou trois. Il
est ensuite libre de commencer la mission qu'il désire parmi celles attribuées,
ou d'en débuter une sans la terminer puis de passer à une autre
se trouvant dans une autre ville.
Les
phases de jeu pour chacune de ces missions se basent toujours sur le même
schéma : enquête, assassinat et fuite. La première phase permet
de faire connaissance avec un des quartiers de la ville, en commençant
généralement par trouver un point très élevé
(mosquée, tour, sommet d'une église), en l'escaladant et en observant
ensuite les lieux. Cette première étape révèle plusieurs
détails sur la carte, dont les autres points d'observation utiles, les
personnages à trouver pour faire avancer l'enquête et les missions
secondaires. Il faut en effet collecter des informations sur sa cible principale
avant de tenter de l'approcher. Ces petites missions sont de plusieurs types :
vol d'un document dans la poche d'un habitant particulier, interrogatoire musclé
et si possible dans une allée reculée, écoute discrète
d'une conversation clé, rendre un service en échange d'informations
(course chrono de collecte de drapeaux, assassinat de cibles mineures). Toutes
ces missions préparatoires ne sont pas obligatoires, mais il faut en général
en effectuer un minimum de deux ou trois avant de poursuivre. Si ces missions
semblent variées au début de l'aventure, on se rend compte que le
schéma d'acquisition d'informations est toujours le même, et que
le résultat n'est pas toujours à la hauteur. S'il est certes très
intéressant d'en apprendre plus sur sa future victime, ses habitudes, ou
les faiblesses défensives d'un lieu, les infos concernant les positions
des gardes ou les tours de ronde se révèlent hélas souvent
inutiles dans la pratique, en bonne partie à cause d'un manque de lisibilité
de ces plans obtenus ou dérobés. Côté missions secondaires,
on en trouve deux types : l'escalade des points d'observation en hauteur (toujours
utile pour mieux dévoiler la carte) et la défense de citoyens opprimés
par les gardes locaux. Ce deuxième type de missions, une fois réussi,
donne comme avantage l'apparition d'un groupe de personnes ralentissant les éventuels
gardes qui seraient à notre poursuite. Si l'escalade est toujours plaisante
en raison de la beauté des lieux et de la bonne prise en main, le sauvetage
d'habitants suit malheureusement toujours la même routine et augmente l'aspect
répétitif déjà ressenti lors de l'acquisition d'informations.
Cette sensation aurait pu être atténuée si les missions secondaires
avaient été plus variées, mais ce n'est pas le cas. Même
constat pour le royaume, où aucune véritable mission n'est proposée.
On occupe son temps entre l'exploration, la recherche de points d'observation,
la collecte de drapeaux et l'élimination de templiers, mais on aurait aimé
plus.
Une fois les informations nécessaires
collectées, et les lieux repérés, direction le bureau local
des Assassins où Altair fait un bref résumé de ce qu'il a
découvert avant de recevoir le feu vert du chef du coin pour assassiner
sa cible. Pour ce faire, plusieurs méthodes sont à disposition,
mais les plus efficaces étant toujours l'usage de la discrétion,
soit en se dissimulant au sein d'un groupe de moines, soit en passant par un endroit
moins surveillé tel que les toits ou de petites allées. Une fois
la cible à terre, ce qui provoque toujours une forte satisfaction, le temps
suspend son cours et l'action laisse la place à une discussion avec la
victime rendant son dernier souffle. Ces courts échanges sont intéressants,
permettent de faire avancer l'intrigue, et montrent que tout n'est pas aussi limpide
que ce que l'on pourrait croire. L'action reprend ensuite avec la phase de fuite,
puisque les gardes présents sur place ou alertés par les cloches
de la ville ont bien l'intention de vous faire subir le même sort que votre
victime. La poursuite a lieu dans les rues et sur les toits, afin de rejoindre
le bureau local des Assassins mettant fin à la mission. S'en suit habituellement
une petite visite à Masyaf, où l'on retrouve après chaque
mission un peu de son prestige perdu, et surtout de nouvelles armes, aptitudes
et mouvements de combat, et augmentation de la barre de vie.
Si
les missions secondaires et les moments d'enquête n'ont finalement rien
de révolutionnaires, et sont même plutôt répétitives
et classiques, les aspects novateurs sont pourtant bien présents. Les développeurs
d'Ubisoft ont opté pour un système de contrôles peu habituel,
et basé sur un mannequin. Ainsi, le bouton du haut, Y, correspond à
la tête, ceux du milieu, X et B, correspondent aux bras, et enfin celui
du bas, A, pour les pieds. La gâchette droite fait office en quelque sorte
d'accélérateur, et permet de passer de profil passif et discret,
à celui d'actif, modifiant ainsi la fonction de la plupart de ces boutons.
En clair, le bouton Y permet toujours d'utiliser la vue du héros. S'il
est au milieu de la foule, il peut ainsi repérer ses ennemis et alliés.
S'il se trouve sur un point en hauteur, ce bouton associé à la tête
donne une vue tournante de l'endroit et révèle la carte. Le bouton
de mains libres (B), permet en profil passif d'écarter doucement les autres
passants, alors qu'en profil actif, Altair les bouscule ou saisit une personne
pour l'envoyer dans les décors, ou encore dans le vide s'il est sur un
toit. La main armée (X) permet d'utiliser l'arme sélectionnée
à l'aide de la croix : sa lame secrète, ses poings, sa lame courte
et les couteaux de lancer, et enfin son épée. A l'aide de la gâchette
droite utilisée conjointement, l'assassin prend une posture de garde, et
par la suite plusieurs mouvements de combats très efficaces sont possibles,
dont les contres, très classes. Les affrontements, une fois le principe
assimilé et quelques mouvements débloqués, deviennent vraiment
très plaisants et spectaculaires. Occire seul plus d'une dizaine de gardes
n'est pas toujours très réaliste, mais procure beaucoup de satisfactions
lorsque les combos s'enchaînent et que certains ennemis finissent parfois
même par fuir ou implorer la grâce devant la maîtrise d'Altair.
On termine avec le bouton des jambes (A donc), qui en profil passif fait réduire
l'allure de la marche pour passer en mode discrétion, le héros devient
ainsi moine prieur; et qui en profil actif, permet les sauts et autres mouvements
de free
running. S'ils demandent un certain temps d'adaptation, à l'instar
de tous les autres mouvements, ils deviennent particulièrement jouissifs
une fois maîtrisés. On peut ainsi escalader facilement tous les bâtiments,
sauter de toits en poutrelles, en corniches pour finir son parcours d'un saut
vertigineux de plusieurs dizaines de mètres dans une grosse botte de foin,
assurant à la fois un atterrissage sans risque et un couvert aux regards
des gardes. Le côté très accessible de l'escalade est quelque
peu déroutant au début, on initie le mouvement uniquement à
l'aide de la gâchette et du bouton A, et ensuite le joueur n'a souvent plus
que le stick gauche à déplacer pour contrôler Altair et passer
d'une prise à une autre. Lors des déplacement sur les toits, ou
entre les poutrelles, il est même possible de laisser gâchette et
bouton enfoncés pour que les sauts s'effectuent automatiquement. Mais la
présence de ces aides dans les contrôles ne rendent pas ces phases
inintéressantes, bien au contraire. Elles permettent de rendre ces moments
très fun, spectaculaires et rapides tout en conservant un apsect technique.
Il faut en effet bien repérer le trajet que l'on désire emprunter,
orienter le stick correctement, savoir s'arrêter où il faut et sauter
au bon moment si on ne désire pas faire de nombreuses chutes depuis les
toits.
L'interaction avec la foule est également
un aspect très réussi et novateur d'Assassin's Creed. Altair doit
en effet utiliser les avantages des groupes de personnes rencontrées, tout
en évitant leurs désavantages. Lors d'une course poursuite, certains
habitants peuvent ainsi ralentir les gardes, alors que d'autres ne sont qu'un
obstacle risquant de le faire trébucher. D'autres, tels que porteurs de
cruches et ivrognes risquent même de faire tomber leur charge ou de vous
bousculer, chose à éviter lorsque l'on tente de suivre discrètement
une cible. Les réactions des habitants dépendent également
de notre comportement. S'ils nous voient escalader les murs autrement que par
une échelle, ils feront de petits commentaires d'étonnement ou de
désaprobation. S'ils sont bousculés, frappés, ou témoins
d'un meurtre, ils risquent de s'enfuir et d'alerter les gardes.
Altair est
aidé dans sa tâche par un petit indicateur de couleur. Blanc est
synonyme de situation normale, jaune que des gardes l'observent avec suspicion,
et rouge qu'ils sont à sa poursuite. Si c'est le cas, l'assassin peut compter
sur ses talents de course et d'acrobate pour mettre suffisamment de distance entre
lui et ses poursuivants, afin de rejoindre l'une des nombreuses caches disponibles
(botte de foin, petit cabanon avec voiles, arrière-cour sur un banc à
côté d'autres habitants, etc.).
La
réalisation graphique est un autre point fort du jeu, avec ces trois villes
superbement modélisées, et encore une fois gigantesques. On découvre
(et escalade) plusieurs édifices grandioses, tel le Dôme du Rocher
à Jérusalem, d'énormes minarets à Damas ou encore
l'imposante cathédrale de Saint-Jean d'Acre. Chacune de ces cités
possède une ambiance particulière au niveau architectural, au niveau
des couleurs, et de la population qui les compose (Acre était encore aux
mains des Croisés, alors que Jérusalem était récemment
passée sous domination musulmane). La distance d'affichage est plus que
confortable et permet d'admirer de loin l'étendue des environnements. L'animation
d'Altair est extrêmement bien réussie, et le héros possède
un nombre impressionnant de mouvements différents. Sa modélisation
est tout aussi réussie. Pour les habitants, la qualité visuelle
est un petit peu en retrait, mais reste convaincante avec de nombreux modèles
de personnages bien différents. Les chevaux, en plus d'être maniables,
sont maginfiquement animés et crédibles. Quelques rares bugs de
collision, quelques pop-up et de très légères baisses de
framerate sont présents, mais rien qui n'entache cet ensemble de grande
qualité. Les musiques, signées Jesper
Kyd, sont souvent discrètes, mais très réussies
et mélangent des airs arabes avec quelques chants grégoriens. Chaque
ville propose son ambiance sonore particulière, et des thèmes musicaux
qui l'accompagnent. Côté voix, le jeu est en français, même
si l'on découvre avec plaisir quelques dialogues en arabe dans certaines
villes, ainsi qu'en allemand prononcés par les chevaliers teutoniques.
A ce sujet, il est dommage de ne pas entendre certains soldats chrétiens
parler en anglais, chose qui devait être le cas vu la présence à
ce moment-là des troupes de Richard Coeur de Lion. Le travail d'acteur
est réussi, mais on s'étonne quand même d'entendre certaines
expressions et intonations qui font très actuelles. Les amateurs de VO
seront ravis d'apprendre que la version anglaise est également présente
sur le disque.
Si certaines phases de
jeu d'Assassin's Creed sont assez classiques, et même répétitives,
le jeu développé par les studios d'Ubisoft à Montréal
apporte une bouffée d'air frais dans le milieu de l'action-aventure. Dans
un cadre dépaysant et trop rarement utilisé dans les jeux vidéo,
le titre propose de vastes et superbes environnements à explorer, ainsi
que des phases de combats et d'acrobaties particulièrement réussies.
En plus d'un scénario intelligent, d'une réalisation soignée,
de la liberté d'action et d'une durée de vie au-dessus de la moyenne
pour ce genre, Assassin's Creed offre une expérience unique et mémorable.
Vivement la suite, d'autant que le jeu se termine un peu en queue de poisson et
pose plus de questions qu'il ne donne de réponses.
Max73 - 18.11.2007